T61 - Saturne.
SATURNE
par Gérard OUDENOT


Avant que la sonde Cassini-Huygens ne lève le voile (voir calendrier en encadré) sur certains aspects et ne pose de nouvelles questions, faisons le point sur notre connaissance de la planète Saturne, ses anneaux et ses satellites.

Calendrier prévisionnel de la mission Cassini-Huygens, dans le système de Saturne.

11 juin 2004 : Survol de Phœbé à 2 000 km.

1 er juillet 2004 : Cassini-Huygens traverse le plan des anneaux, entre les anneaux F et G, puis se satellise autour de Saturne et commence son étude du système de Saturne qui va durer 4 ans.

25 décembre 2004 : La sonde Huygens se détache de l'orbiteur Cassini et entreprend son voyage de 22 jours vers Titan.

14 janvier 2005 : Huygens descend dans l'atmosphère de Titan et se pose 2 h 30 m plus tard.

Saturne (fig. 1) est une grosse planète qui ressemble beaucoup à Jupiter. Son diamètre équatorial est égal à 120 500 km et une simple lunette d’amateur suffit pour constater son aplatissement, de l’ordre de 10%. Saturne est surtout renommée pour son système d'anneaux, les plus spectaculaires du Système solaire. Elle accomplit sa révolution autour du Soleil en 29,5 ans à une distance moyenne d'environ 1,5 milliard de kilomètres. Malgré un volume 815 fois plus important que celui de notre planète, sa masse ne représente que 95 masses terrestres. Saturne est donc un corps "léger", la plus légère des planètes, avec une densité de 0,7. Si l’on pouvait imaginer une baignoire suffisamment grande pour y plonger Saturne, ce dernier flotterait !

Ce que nous voyons de Saturne est le sommet d'une couche de nuages, comme pour Jupiter. Les détails y sont moins contrastés, néanmoins on distingue des bandes, taches, ovales, structures en rubans, etc. (fig. 2). Les vitesses de déplacement des nuages sont considérables, elles atteignent près de 2 000 km/h au niveau de l'équateur. Sous les nuages, nous trouvons une atmosphère profonde, plus riche en hydrogène moléculaire que sur Jupiter (93%), de l'hélium (7%) et des traces de nombreux autres corps, où vient en tête le méthane. Cette atmosphère s'étend sur une profondeur de plus de 30 000 km. En-dessous, dans une couche de 5 000 km d'épaisseur, l'hydrogène devient monoatomique et métallique. Dans cette couche se forment des gouttelettes d'hélium qui tombent vers le centre de Saturne. Ceci explique, d'une part, la différence de composition entre Jupiter et Saturne et, d'autre part, fournit à Saturne une source d'énergie gravitationnelle importante qui lui permet de rayonner 1,8 fois plus d'énergie qu'il n'en reçoit du Soleil. Sous cette couche, on retrouve un mélange uniforme d'hélium et d'hydrogène métallique, sur une dizaine de milliers de kilomètres. Enfin, nous parvenons à un noyau solide, d'environ 15 000 km de rayon, composé de silicates, de métaux et de glaces.

Saturne possède un champ magnétique découvert par la sonde spatiale américaine Pioneer 10, d'une intensité intermédiaire entre celles de la Terre et de Jupiter. Ce sont les sondes Voyager qui nous ont révélé la magnétosphère, 30 fois plus importante que celle de notre planète. Elle en diffère, ainsi que de celle de Jupiter par deux points : l'axe du dipôle magnétique est confondu avec l'axe de rotation de la planète et il n'existe pas de ceintures de radiations.

Les anneaux de Saturne

Galilée, en 1610, lorsqu'il pointa pour la première fois sa lunette vers Saturne, découvrit son anneau, mais il crut apercevoir deux petits astres situés de part et d'autre de la planète. C'est Huygens, en 1655, qui comprit qu'il s'agissait d'un anneau entourant la planète. Vingt ans plus tard, en 1675, Cassini découvrit qu'il n'y avait pas un, mais deux anneaux, séparés par une zone sombre qui porte depuis le nom de division de Cassini. Les deux anneaux vus par Cassini portent le nom d'anneaux A et B (fig. 3). Le plus brillant est l'anneau B, qui s'étend sur 26 000 km, de 32 000 km à 58 000 km du sommet de la couche nuageuse de Saturne. On rencontre ensuite en s'éloignant une zone obscure : la division de Cassini, qui couvre environ 4 500 km, puis l'anneau A, de 14 500 km de large. Une observation poussée permet d'observer un troisième anneau, découvert par Bond en 1850, l'anneau C ou anneau de crêpe. Cet anneau s'étend sur 17 000 km, sa partie extérieure touchant l'anneau B. Un quatrième anneau a été découvert par Pierre Guérin en 1970. Cet anneau, l'anneau D, semble se poursuivre jusqu'à la haute atmosphère de la planète, mais son existence n’est pas reconnue par tous.
Les sondes spatiales américaines Pioneer 11, Voyager 1 et Voyager 2 ont trouvé trois nouveaux anneaux : l'anneau F qui se trouve à 140 000 km du centre de Saturne et s'étend sur seulement 500 km ; l'anneau G situé à 170 000 km et également de faible largeur ; enfin l'anneau E, extrêmement ténu, situé à une distance moyenne de 230 000 km ; il semble associé au satellite Encelade et s'étend sur plus d'un rayon saturnien de part et d'autre de sa position moyenne.
L'épaisseur des anneaux est inférieure au kilomètre. Si on ramenait le diamètre de Saturne à 1 m, ceci correspondrait à une épaisseur des anneaux de 1/100 de millimètre. Au fur et à mesure de l'approche des sondes Voyager, les anneaux se sont révélés formés d'une multitude d'annelets contigus. L'existence de ces annelets, comme celle de la netteté du bord extérieur de l'anneau A, résultent de l'action de gros blocs (quelques kilomètres de diamètre) ou de petits satellites, comme nous le verrons un peu plus loin.

Les particules qui constituent les anneaux tournent autour de Saturne avec des vitesses conformes aux lois de Kepler, c'est-à-dire des périodes de plus en plus longues au fur et à mesure que l'on s'éloigne de Saturne. Elles sont distribuées différemment en taille suivant les anneaux ; leurs dimensions allant essentiellement de quelques microns à quelques centimètres, plus rarement quelques mètres. Ces particules sont formées de fragments rocheux recouverts de glaces ou de glaces seules, leur nature exacte restant incertaine. L'existence des anneaux s'explique par leur faible distance à la planète. À une telle distance, aucun satellite de taille importante ne peut subsister, les forces de marées auquel il serait soumis finiraient par le faire éclater.

Signalons encore de fines particules (de taille de l'ordre du micromètre), qui forment des structures radiales ressemblant à des doigts tendus (fig. 4). Ces structures conservent la même apparence sur plusieurs rotations, sans se déformer, c’est-à-dire sans sans respecter les lois de Kepler, ce qui indique leur liaison avec le champ magnétique de la planète et non un mouvement d’origine gravitationnelle.

Les satellites de Saturne

Mis à part ses anneaux, Saturne possède de nombreux satellites. Aujourd’hui (juin 2004), trente et un sont connus avec certitude.

En regroupant les satellites par ordre de taille décroissante, on rencontre tout d'abord Titan ; sept satellites de taille intermédiaire : Rhéa, Japet, Dioné, Téthys, Encelade, Hypérion et Mimas ; enfin des corps dont la plus grande dimension est inférieure à 200 km.

Titan (fig. 5), de loin le plus gros des satellites de Saturne, avec 5 150 km de diamètre, a été découvert par Huygens en 1655. Il circule autour de sa planète en 16 jours, à une distance moyenne de 1 220 000 km. Titan présente la particularité de posséder une atmosphère non négligeable, dont la pression à la surface est égale à 1,5 fois celle de la Terre. Elle est essentiellement constituée d'azote moléculaire, 90% environ ; les 10% restant se décomposent en argon, méthane et hydrocarbures dérivés du méthane. Titan, avec une densité de 1,9 semble constitué par 45% de glace et 55% de matériaux rocheux. Un noyau rocheux silicaté de 1 700 km de rayon serait entouré par un manteau de glace d'eau, méthane, ammoniac et composés. Ce manteau pourrait être liquide dans sa partie supérieure. Enfin, on rencontrerait une croûte glacée d'une centaine de kilomètres d'épaisseur.

Les satellites de taille intermédiaire (fig. 6) sont composés pour moitié de roches et de glaces. Les plus gros sont Rhéa et Japet, d’environ 1 500 km de diamètre.

Rhéa présente une surface très fortement cratérisée, tandis que Japet est un corps énigmatique dont l'hémisphère avant est sombre et l'hémisphère arrière brillant.

Rappelons à ce propos que la quasi-totalité des satellites présentent toujours la même face à leur planète, c'est-à-dire que leur vitesse de rotation est synchronisée avec leur vitesse orbitale.


Téthys et Dioné, dont le diamètre est de l'ordre du millier de kilomètres, ont conservé quelques traces d'activité géologique postérieure à la période de bombardement intense qui a suivi la formation du Système solaire.

Encelade, malgré 500 km de diamètre seulement, semble géologiquement actif. Il semble d'autre part lié à l'anneau E, qui présente un maximum d'éclat à son voisinage. Encelade pourrait rejeter de la matière qui formerait l'anneau. L'origine d'une telle activité est encore inconnue.


Mimas, avec preque 400 km de diamètre, est très cratérisé ; en particulier il porte la trace d'un choc violent, sous la forme d'un cratère de 130 km de diamètre.
Hypérion, plus petit, n'a pas une forme régulière. Il pourrait être le résultat de la fragmentation d'un corps plus important, ce que conforte sa particularité de ne pas toujours présenter la même face à Saturne, mais d'être animé d'un mouvement chaotique.

Phœbé (fig. 7), a un diamètre de 220 km, et possède une forme vaguement sphérique. Cassini vient de préciser cette forme et montrer une surface rugueuse, fortement cratérisée. Il semble s’agir d’un corps essentiellement glacé recouvert d’une mince couche de matériau sombre.

 

 

 

Les autres satellites de Saturne sont de taille encore inférieure et la plupart ne dépassent pas quelques dizaines de kilomètres dans leur plus grande dimension (fig. 8).

Beaucoup pourraient être des astéroïdes capturés. Certains de ses petits satellites jouent un rôle important dans la constitution des anneaux. Par exemple, de part et d'autre de l'anneau F circulent deux satellites : Pandore et Prométhée (fig. 9) ; on les appelle chiens de berger de l'anneau F. Cette dénomination provient du fait que les particules de l'anneau, si elles essaient de s'échapper, sont repoussées par l'un ou l'autre des deux satellites ; elles sont donc obligées de rester à une même place. Ce phénomène, découvert et compris grâce aux sondes Voyager, porte le nom de confinement ; il explique le bord net des anneaux et la finesse de certains d'entre eux.